bergers en famille,  émotions

Bergère, comme une thérapie

Une éloge à la lenteur

Je suis tenue de prendre le temps, je n’ai rien d’autre à faire : les regarder manger

Faire en sorte que le troupeau s’apaise afin que les brebis se remplissent la panse, lentement .

Observer le troupeau pour me positionner au bon endroit, anticiper sa direction.

Suivant ma place, elles s’orientent, comme par enchantement .

Elles ne vont pas où je souhaite ? C’est que je suis mal positionnée ou que j’ai commandé au chien une mauvaise action.

Ma part de responsabilité : ce n’est pas la faute du chien qui ne comprend rien ou la faute des brebis qui veulent me faire chi…

Quoique ?

En ce moment j’ai une brebis qui passe sous les filets et qui m’embarque tout le troupeau. Hier, je les ai rentrées de nuit au parc, elles avaient donc plus que bien mangé.

Ce matin, à 6h, j’entends les brebis qui s’appellent pour se faire la malle, car madame était passée sous le filet ! Branle-bas de combat, me voilà en pyjama, juste le temps de sauter dans mes chaussures de rando (chouette style !) en train de courir après ces dames pour les ramener au parc que j’ai le temps de boire un truc et de prendre mon sac tout de même !

Heureusement que j’ai laissé un chien détaché cette nuit.

C’est vrai que parfois elles me font dépasser mes limites. De sommeil, physiques, d’énervement.

Il n’est pas toujours possible de s’écouter.

Mais c’est ponctué avec ces longs moments où je peux prendre le temps en leur compagnie.

Je n’ai pas le choix, je dois être au troupeau.

Leur musique est douce, elles mangent paisiblement.

Je peux alors rester là sans penser, dans un état on pourrait dire méditatif. Être là tout simplement, c est parfait.

Ou encore, lire, réfléchir, écrire…

C’est un peu comme une retraite spirituelle : des tâches simples, ayant du sens, manuelles, répétitives qui appellent à une rigueur des horaires, loin du monde rapide, consumériste, numérique .

Ici rien ne passe, téléphone , internet , à part à de rares endroits.

Tout est fait pour se retrouver avec soi entre pensées et absence de pensées justement .

Une parenthèse, une invitation au lâcher-prise.

Un rendez-vous avec soi-même.

Au départ, c’est très angoissant : comment vais-je faire ? C’est trop physique, je ne vais pas réussir à rester seule, au secours ! C’est tellement loin de mon confort, de mes habitudes …

Les personnes qui ont aimé cet article ont aussi lu :  L'instruction en famille nous rend-elle esclaves de nos enfants ?

En fait c’est soit je choisis pleinement, je lâche prise, soit j’abandonne.

En 2008, 2009 j’étais seule, toute la saison . Je sais que je peux le faire, de nouveau.

« C’est comme le vélo ! »

Seulement , après 12 ans en couple, je n’ai plus confiance en moi, j’ai besoin de me prouver que j’en suis encore capable.

Et puis mon corps n’a plus 20 ans…

J’ai choisi encore une fois cette année de vivre pleinement cette expérience comme un cadeau.

Mon corps n’a plus 20 ans…

C’est vrai, mais il a l’expérience et un peu plus de sérénité.

Une organisation prometteuse, mais…

Cet alpage s’annonçait plutôt tranquille : deux aides-bergères à mi-temps, les enfants une semaine sur deux… une saison entre femmes (et 4 enfants), du temps pour nous, avec nos enfants , de la rigolade …

Et puis tout a changé : une des aides-bergères s’est arrêtée, « trop dur pour elle ». Impossible de lâcher prise justement avec sa vie d’en bas…

Bref, je me retrouve une semaine sur deux seule, pour un troupeau de 1500 brebis, à travailler comme une cinglée, des journées de 14h à n’en plus finir !

Ça, c’étaient les premiers jours, j’ai subi son départ.

Puis je me suis dit que je devais vivre ça, que c’était parfait pour moi. 

Suite à l’arrêt du couple, je dois me reconnecter à moi, me retrouver , savoir qui je suis, reprendre confiance en mes capacités .

Quoi de mieux que cette retraite personnalisée ?

C’est finalement exactement ce qu’il me faut.

La semaine où mon amie est là , je travaille beaucoup moins, j’ai du temps avec mes enfants. 

La semaine où je suis seule, je me connecte au moment présent , je n’ai rien d’autre à faire que d’être là en montagne à marcher au son des sonnailles.

J’ai une citation , un mantra que je me répète lorsque je trouve que ça ne va pas comme il faut (à la manière des phrases yogi tea) :

si tu veux le calme dans ton troupeau, trouve-le déjà à l’intérieur de toi.

La vie est un cadeau. Je choisis de la vivre pleinement , chaque instant .

Tout ce qui m’arrive n’est pas un hasard. 

C’est mon chemin vers l’accomplissement de mes valeurs et parfois je dois bouger pour y arriver.

Sortir de sa zone de confort, ne pas s’endormir. 

Quelque chose de remarquable : depuis que j’accueille le moment présent, mon énergie est de nouveau au rendez-vous.

Je me sens bien, en forme. Quelle sensation agréable…

Je ne fais donc plus rien à part garder les brebis et accueillir mes enfants, sinon, je n’y arrive plus

Partager l'article :

4 commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

vgo('process');