Comment s’est déroulé notre contrôle pédagogique
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Cette année, mon fils Tilouann a eu sept ans. C’était donc son premier contrôle pédagogique, et donc le premier pour moi aussi, de ce côté de la barrière !
Allez, je vous raconte tout : le stress, les mésaventures, les craintes …
Je vous rappelle que nous vivons en unschooling, en tout cas nous essayons de respecter cette ligne autant que possible et donc de respecter le fait que nos enfants apprennent par eux-mêmes.
Le contrôle pédagogique a eu lieu dans leurs locaux, je ne m’y suis pas opposée, sachant que je n’avais pas envie qu’il nous jugent : nous n’avons qu’une seule chambre et un petit intérieur. J’avais peur de passer pour des extra-terrestres ! Et en plus, nous n’avons pas de lieu spécifique pour le « travail » de nos enfants. Dans le salon (salle à manger, cuisine) nous n’avons qu’un table basse, avec des chaises enfants. Je ne me voyais pas de leur dire de s’asseoir sur ces chaises de lilliputiens !
La préparation
Lorsque j’ai reçu la convocation, un mois avant le contrôle, j’ai fait tout ce que je vous conseille de faire dans le kit spécial contrôle pédagogique :
J’ai écrit une lettre décrivant nos pratiques et nos choix d’instruction. J’ai bien précisé qu’il était contraire à nos pratiques d’évaluer notre enfant, que je souhaitais donc qu’il ait un entretien seulement oral. J’ai ajouté que je fournirai un livret de suivi pour prouver que l’instruction était bien reçue et que ça pourrait ainsi fournir une base de travail lors de l’entretien avec l’inspecteur.
Bref, si vous voulez en savoir plus, je vous laisse la lire ici.
Ensuite, j’ai donc rempli le livret de suivi pour Tilouann, en notant toutes nos activités, même celles que l’on pourrait croire non pédagogiques. D’ailleurs, est-ce que ça existe un moment où l’enfant n’apprend absolument rien ? Je ne crois pas, mais c’est un autre débat.
Même chose, je vous laisse le consulter ici si besoin.
Enfin, j’ai fait une liste de tout ce qui était à disposition des enfants (le matériel pédagogique, comme ils disent), de nos sorties, atouts familiaux… J’y ai joint un petit portfolio. Vous pouvez la consulter également ici.
Une fois que j’ai eu fait tout ça, je me suis mis la pression, jour après jour, inconsciemment, sans vouloir l’admettre.
La montée du stress
J’ai vraiment eu l’impression d’un retour dans le passé ! Tout ce stress avant une évaluation, un contrôle, une épreuve, je l’ai ressenti, je dois bien l’avouer ! J’ai subi ça à l’école, au collège, lycée, lors des études supérieures, puis au travail, assez régulièrement, lors de mes inspections. Vous savez bien ce sentiment, comme si on mettait notre vie, notre valeur entre les mains d’un examinateur… On ne sait pas encore ce que l’on vaut, on attend le verdict comme un couperet !
Tous ces doutes, ce stress, sont remontés à la surface. Je dois vous avouer que je suis de nature très sensible et assez anxieuse. Je me suis mise à mal dormir.
Et devinez quoi ? J’ai donc refilé ce stress à Tilouann, même s’il ne savait pas trop pourquoi. Et je voyais ce qu’il était en train de se passer… Plus j’essayais de lutter contre ça, plus j’avais l’impression que c’était pire.
J’ai donc décidé d’en parler avec mon fils. De lui dire ce qui allait se passer, qu’il allait être testé, que j’allais l’être aussi. J’ai essayé de lui dire que ce qu’ils pensaient de lui n’avait pas beaucoup d’importance, que ce qui était important c’était qu’il garde confiance en lui, que lui seul pouvait connaître son super potentiel. Je lui ai dit que cette personne allait le voir qu’un moment, et que ce n’est pas en un moment qu’il pourrait le connaître en entier, qu’il y avait vraiment que lui pour savoir ça.
Et puis je lui ai dit qu’on était obligé de se soumettre à ce contrôle malgré que nous ne soyons pas d’accord avec le fait d’être testé par des personnes qui n’ont pas les mêmes valeurs que nous. J’ai rajouté que c’était une obligation si nous voulions continuer l’instruction en famille.
Je l’ai rassuré en lui affirmant que peut importe ce qu’il se passerait durant ce contrôle, nous continuerons à avoir confiance en lui et que nous poursuivrons notre vie sur la même voie.
Il a entendu, plus ou moins, au moins ça a été dit. Par contre, ça n’a pas empêché l’angoisse d’être présente, aussi bien pour lui que pour moi.
Et là, l’horreur, mes doutes infondés sont remontés : est-ce que j’ai fait ce qu’il fallait ? Est-ce qu’il a appris assez de choses ? Est-ce que je ne l’ai pas trop laissé se débrouiller par lui-même ?
Et devinez ce que j’ai fait ? J’en ai honte, je ne vous le conseille pas, mais je le partage tout de même avec vous, peut-être est-ce que ça vous évitera de faire la même chose : je l’ai forcé à faire un truc par jour avec moi. Quand je dis un truc, c’est : déchiffrer une page de livre, faire des maths décontextualisées, faire des jeux de société éducatifs, écrire… Tout ce dont il a horreur si ça n’a pas de sens et que des choses qui sont très difficiles pour lui, étant donné son profil neuro-atypique.
Résultat : la seule chose que ça a faite, c’est dégrader le lien de confiance qu’il y a entre nous, le faire douter de lui, contribuer à augmenter le stress ! Je pense qu’il n’a absolument rien appris de plus durant cette période de presque trois semaines. Je vous le déconseille donc vivement.
Le jour J
Départ le matin pour Gap, à 45 minutes de chez nous, la circonscription de retranchement. Toute la famille est dans la voiture : mon compagnon, la petite soeur, Tilouann et moi. Nous irons que tous les deux au contrôle et nous nous retrouverons après.
A 15 minutes de l’arrivée, je sors le papier pour voir l’adresse exacte. Et là, je me rends compte que c’est à Briançon et non à Gap ! Mais quelle nulle, ce n’est pas possible, comment j’ai pu faire ça ! Je vous passe les détails de mes dires… Briançon et à une heure du lieu où je m’aperçois de ma boulette, grosse, énorme boulette. Heureusement, nous avions trente minutes d’avance. J’appelle l’inspection, me confonds en excuses… Ils sont OK pour repousser le contrôle de trente minutes.
Nous reprenons donc la route dans l’autre sens, avec un niveau de stress maximum, vous vous en doutez. Les enfants se tapent dans la voiture, j’ai envie de pleurer, super ambiance !
Le contrôle pédagogique
Nous arrivons enfin. Il y a l’inspecteur qui nous attend, la conseillère pédagogique apparaît à notre arrivée. Je la connais, elle a commencé en même temps que moi j’ai débuté en tant que professeur des écoles. Ça détend un peu l’atmosphère. Elle m’explique que maintenant c’est Briançon qui est chargé de notre secteur alors qu’avant c’était Gap. Mon erreur est donc presque pardonnée.
Je lui demande si elle a reçu ma lettre. Elle me dit que oui et qu’elle en teindra compte autant que possible. Nous nous installons tous les quatre à la même table, Tilouann avec la conseillère, moi avec l’inspecteur.
Et là, je la vois sortir un livret d’évaluation CP. Mon fils se décompose lorsqu’elle lui tend un stylo. Je lui explique qu’il n’est vraiment pas à l’aise avec l’écriture et qu’il serait peut-être dyspraxique. Cependant je ne dis rien sur les tests écrits ni sur le niveau CP, car je sens bien que je la mettrais vraiment difficulté : elle ne connait pas les lois relatives à l’instruction en famille et en plus, elle ne sait pas faire autrement ! J’ai eu peur qu’elle se mette sur la défensive.
L’inspecteur n’a toujours pas compris qu’avant j’étais instit.
L’entretien se passe, l’inspecteur est dans le dialogue, assez bienveillant, quoique très à cheval sur le bienfondé du formatage. Dans la discussion il comprend alors que j’ai fait partie de l’éducation nationale et il apporte plus de crédibilité à mes dires. C’est malheureux, mais c’est comme ça, je le reconnais. Je ne suis pourtant pas plus compétente qu’une autre maman, mais à leurs yeux, c’est différent. Il me demande même, avec un réel intérêt « vous pensez réellement que l’on puisse apprendre sans enseignement ? ».
À un moment donné, Tilouann vient à mes côtés, les larmes aux yeux. Il me dit à l’oreille : « maman, je veux que ce soit toi qui m’interroges ». Je regarde vers la conseillère et je m’aperçois qu’elle lui demande de lire un texte d’environ 5 lignes. Pour lui qui commence à peine à déchiffrer, ça le panique de faire ça devant une personne qu’il ne connait pas. Je lui réponds tout fort, pour que tout le monde entende « Je ne peux pas te faire passer le test moi-même. C’est le travail de cette dame. Si tu ne sais pas ou si tu n’y arrives pas, tu le dis, tout simplement, ce n’est pas grave. Tu n’es pas obligé de tout savoir. »
Du coup, la conseillère, très compréhensive, lui a proposé de lui lire le texte et ensuite qu’il réponde aux questions qu’elle lui posera. Il accepte, ouf !
Conclusion
L’entretien se termine en même temps que le test de Tilouann. On ne peut pas dire que ce se soit bien passé, mais ça s’est passé. Les tests n’étaient pas respectueux, n’avaient pas lieu d’être si on s’en tient aux lois relatives à l’instruction en famille, mais les personnes étaient dans le respect et n’ont pas cherché à nous mettre en difficulté.
La conclusion du contrôle pédagogique a été donnée dans la foulée, par la conseillère (j’ai été très étonnée que ce soit elle et non l’inspecteur qui conclut, mais bon, c’est chouette, finalement).
« Il ne sait ni lire ni écrire, il sait lire les chiffres jusqu’à 9, sait compté jusqu’à treize. Il n’a aucun problème de compréhension et a su me donner les résultats des problèmes, sans me dire le raisonnement. On voit que l’instruction est donnée, il n’y aura donc pas de second contrôle, bien qu’il soit loins d’avoir le niveau CP »
En gros, c’était ça…
Je suis donc très contente que, même lorsque nous sommes en unschooling, il puisse paraître que l’instruction est « donnée » et donc que nous puissions continuer tranquillement. Cependant je trouve affreux de devoir se soumettre à ce genre de jugement, qui ne tient pas à grand-chose, finalement.
Ma réaction précédant ce contrôle m’a également effrayée : voir à quel point je puisse manquer de confiance en moi… J’aurais aimé pouvoir me détacher de tout ça. J’ai encore beaucoup de travail devant moi. Il n’a fallu qu’une lettre, qu’une date pour que je remette tout en cause dans ma tête. Notre équilibre quotidien peut alors paraître précaire. Avec le recul, je sais bien qu’il n’est pas précaire, que je suis sereine sur le chemin qui est le nôtre. C’est juste que le formatage que j’ai subi, que nous avons tous subi, ne s’en va pas du jour au lendemain. Je suis réellement désireuse d’en échapper et surtout que mes enfants y échappent.
Nous rentrons donc chez nous panser nos blessures, nous réconforter et nous persuader que ce que nous faisons est bien. Mon objectif : faire digérer ça à Tilouann, m’excuser pour mon comportement des jours d’avant durant lesquels je ne l’ai pas respecté, et le persuader qu’il est exactement la personne qu’il doit être, indépendamment des jugements (ou évaluations) extérieurs.
C’est à vous
Je vous laisse nous raconter vos ressentis lors de votre contrôle pédagogique dans les commentaires. Comment l’ont vécu vos enfants ?
5 commentaires
Marion SIVERT
Bonjour,
Merci pour votre témoignage authentique !
Question acte manqué, voici le mien : convoqués le 21 mai dernier, je suis persuadée que c’est le 28. Le 20, je reprends la convo pour prendre connaissance du téléphone de l en, pour savoir comment se déroule le test…. Et la panique c’est le lendemain à 9h !!!! Avec 2 h de route
Après discussion avec mon fils, nous décidons de nous organiser pour le lendemain, plutôt que demander le report. Je rédige un rapide courrier pour faire connaitre nos choix pédagogiques. Cela me permet de clarifier mes pensées et consolide ma posture pour le jour j… Quelques heures après.
D’ailleurs, merci beaucoup pour vos précieux conseils issus de vos livrets.
Moi aussi, je voulais reprendre quelques bases et exercices types pour que mon fils ne se sente pas perdu face aux exercices académiques. A part survoler les tables de multiplication, rien de plus par manque d’envie réciproque.
NB. Il est desco depuis un an suite à son entrée en 6eme qui a révélé une phobie scolaire.
Finalement, l’entretien se passe plutôt bien.
Je suis épatée par les connaissances qu’il arrive à mobiliser, bien que n’ayant pas ouvert un bouquin depuis 1 an
En résumé, conscience et confiance sont les meilleures alliées
Marion
Sandrine
Coucou Marion et merci pour ton témoignage. C’est insensé que l’EN, par un simple courrier, nous plonge dans une telle angoisse, un tel stress n’est ce pas ? On se retrouve comme l’enfant face à son instituteur ! On pense savoir, être sur de soi, sur de ses choix, on vit sereinement avec nos enfants, on a confiance en eux, en leurs capacités. On sait que ce que nous faisons est bon pour eux, leur laisser leur rythme, leur enfance… Et puis on se prend une claque dès que l’EN s’insinue dans notre vie. Pourquoi devons nous toujours rendre des compte à tout le monde ? Pourquoi ne nous appartenons nous pas ? C’est dur et je ressens ce que tu as pu ressentir, pour l’avoir vécu plusieurs fois 😉 Je raconte moi aussi notre premier contrôle pédagogique (https://apprendre-par-le-jeu.com/notre-premier-controle-pedagogique/) et je me rends compte qu’en 10 ans, rien, ou presque n’a changé !!
J’espère que cette expérience n’aura pas trop affecté ton petit gars ! Belle saison avec vos brebis ! Je vous envie beaucoup, moi qui suis une amoureuse inconditionnelle de la montagne ! 🙂
Sandrine
Marion Billon
Merci sandrine pour ton retour… peut-être nous croiserons-nous en montagne ?
Manue
Merci de témoigner avec autant de sincérité. En te lisant je me dis que j’aurais pu écrire quasi la même chose. Et sur ce fichu coup de stress qu’on se met et sur le déroulement du contrôle.
Avec ma toute petite expérience (2ème contrôle pour 2 de mes enfants), le conseil que je donnerai bien à toute faille Ief et notamment dans le cas du unschooling, ou en tout cas de familles qui ne suivent pas le programme, c’est de faire respecter à la lettre le cadre légal. La première fois, j’avais réussi à expliquer posément que je préférai qu’on discute d’abord de l’instruction et proposé que les enfants montrent leurs « productions » (on a une sorte de cahier de vie dans lequel on colle photos, tickets et autres …avec ou dans commentaires des enfants). Et qu’ensuite seulement ils posent éventuellement des questions aux enfants en ma présence.
Cette année je ne l’ai pas fait…j’avais les 3 enfants, le stress, ils étaient très cordiaux, je ne voulais pas tendre la situation.. Bref, c’est comme ça, j’ai laissé faire. Les enfants étaient chacun à une table juste derrière moi…
Et je regrette vraiment parce qu’ils ont passé des évals chacun dans le niveau de classe dans laquelle ils seraient s’ils étaient sco… Ils n’ont donc pas tenu compte de ce que j’avais pris le temps d’écrire sur là ou en était chaque enfant.. et du coup ils ont envoyé un bilan négatif pour le plus grand (que je conteste mais c’est une autre histoire….) Et moi je me sens mal parce que je n’ai pas pu accompagner chacun de mes enfants dans ce moment-là, alors que j’avais pu le faire la première fois, et qu’au final, ça m’avais permis de recadrer ou d’expliquer (il ne connaît pas telle chose parce que nous avons pris le temps de …blablabla…)
Bref connaître ses droits et le cadre légal, savoir comment on veut que ça se déroule, ce qu’on est prêt à accepter ou pas et ne pas hésiter à le dire.
Marion Billon
C’est ce que j’aimerais arriver à faire… mais j’arrive pas à m’opposer à mes anciens « supérieurs »… peut-être quand je serai grande 😉