bergers en famille

Je suis une prédatrice ! Il ne mangera pas mes enfants…

J’ai commencé un nouvel article pour parler des journées de mes enfants en alpage. Cependant, il s’est passé un truc assez terrible, en tout cas qui me perturbe et m’inquiète lorsque ça arrive. J’ai donc décidé de mettre en pause l’écriture de l’article pour vous parler de cet événement :

Le loup est revenu !

Ça ne vous dit rien? C’est le titre d’un album pour enfants de Geoffroy de Pennart que ma progéniture affectionne particulièrement.

Eh bien, moi, depuis deux jours, je l’aime beaucoup moins, en tout cas il ne me fait plus autant rire. Car dans mon histoire, il n’est pas devenu végétarien !

Une journée terrible

Je sors avec les brebis, un soir d’orage, en tout cas de pluie. Il n’est pas tard, environ 16 heures. Le ciel est sombre, la forêt aussi. En effet, nous gardons majoritairement dans une forêt de mélèzes et de pins cembros. Ils sont donc très hauts et le sol est jonché de branches coupées. La forêt est très mal gérée, ce sont ceux qui viennent chercher les arbres qui laissent toutes les branches au sol. De plus, c’est particulièrement pentu. Nous ne voyons presque jamais notre troupeau en entier.

Bref, je suis avec les brebis, prête à passer dans l’autre vallon, quand les chiennes de protection partent dans la descente en aboyant comme des furies. Tout de suite après j’entends un quad au loin.

Je n’y pas prête plus attention que ça, je me dis qu’elles ont couru après le quad. Nous partons donc dans l’autre vallon, les brebis et moi, comme prévu. En revenant, vers 20h30, à  200 m plus bas de l’endroit où j’ai traversé, je tombe sur une brebis égorgée avec une épaule en moins.

Pas de doute, c’est le loup. La découpe est propre, digne d’un expert. Je me sens tout d’abord en colère. Là ! presque sous mon nez ! Pas presque, d’ailleurs, carrément sous mon nez ! J’étais avec elles, Je n’ai rien vu. Il est venu dans le troupeau, en a isolé une, et l’a fait courir en descendant. Une fois seule avec elle, ça a dû être un jeu d’enfant pour lui de s’en occuper. J’appelle tout de suite l’éleveur. Il me dit qu’il va faire monter l’expert.

Je remonte donc tout mon troupeau à côté de la cabane dans le parc de nuit, avec les chiennes garantes de leur sommeil et la clôture électrique réglée au maximum.

Et la nuit, alors ?

mi

Ma famille est descendue ce soir-là, mes enfants chez des copains, mon chéri a un concert. Je suis toute seule à la cabane. J’ai beau savoir que le loup ne s’attaque pas à l’homme, quand la nuit tombe, je m’enferme dans ma petite cabane, je ferme même les volets ! On ne sait jamais, des fois qu’il casserait un carreau !

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On a dû me raconter le petit chaperon rouge ou les trois petits cochons… les vieilles peurs sortent en même temps que la nuit. Les ténèbres protègent les créatures maléfiques, le loup va venir me manger, j’en suis sûre ! Bref, j’espère qu’une chose, c’est qu’il n’y aura pas d’attaque cette nuit, car je ne suis pas persuadée que je serai d’une grande aide pour mon troupeau.

Le jour se lève et emporte avec lui mes peurs laissant place à un léger sentiment de honte. Elle est belle la bergère qui a peur du loup !

Je sors le troupeau vers 6h30, sous la pluie, bien décidée à ouvrir les yeux et à ne pas me faire voler une brebis sous mon nez !

Toute la matinée, il est là, il rôde, je me sens surveillée. Les chiennes partent sur une piste, puis une autre, font le tour du troupeau, partent dans tous les sens, comme des folles.

Je passe mon temps à observer la montagne. Je ne vois rien, bien sûr. Malin l’animal! Je n’ai jamais vu de loup. J’aimerais bien. Entre la crainte et l’envie incontrôlable. C’est un bel animal. Il a finalement toute sa place dans ces montagnes. Ce qui est bizarre, finalement, ce sont ces troupeaux domestiqués qui prennent la place, pendant quatre mois, et auxquels il n’aurait pas le droit de toucher. Il faut avouer que c’est tentant!

Je rentre finalement avec les brebis, sans casse, je pense, vers 11h30, pour la chaume.

Ma famille rentre en début d’après-midi. C’est Rico qui part garder le soir.

Il a vu le loup !

Il me raconte qu’il a croisé la personne que j’ai entendue la veille en Quad. Vers 16h30 le conducteur a vu un gros mâle traîner une brebis et partir juste avant que les chiennes n’arrivent sur lui. Il a juste eu le temps de la tuer, puis les chiennes l’ont dérangé. Par contre, il n’a pas eu peur du Quad. J’avoue que ça m’a particulièrement surprise.

Il est repassé vers 19h30, et là il l’a revu, emportant une épaule! 

Lui, promeneur alpha, a vu deux fois le loup, un énorme mâle, en trois heures de temps, alors que moi, qui passe mes saisons sur le même territoire qu’eux, en gardant leur met favori, je n’ai encore jamais réussi à le voir! Je suis un peu envieuse… j’imagine l’émotion qu’il a dû ressentir en voyant ce prédateur majestueux, avec son regard perçant, emportant la pâte de sa proie…

Toujours est-il que le soir même nous demandons à nos enfants de de pas trop s’éloigner de la cabane. OK, le loup ne s’attaque pas à l’homme, mais nous n’aimerions pas que nos enfants soient les premiers.

L’année passée, nous nous sommes déjà renseignés sur le fait que nos enfants soient vulnérables par rapport aux loups. Nous avons demandé à des spécialistes du loup. Tous nous ont dit que ça ne risquait absolument rien. J’ai tout de même toujours eu une appréhension et du coup j’ai toujours gardé un œil sur mes loulous (ou devrais-je dire mes agneaux ?). Peut-être un peu moins lorsqu’ils étaient avec des copains, à crier, faire du bruit, à plusieurs. Je pense que c’est un peu notre instinct de parents et  de l’héritage du temps où nous étions vulnérables par rapport aux animaux sauvages, aux prédateurs.

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Le lendemain matin, la police de l’environnement vient pour constater que la perte de la brebis est bien due au loup. J’en profite pour lui poser des questions est Tilouann en fait de même. C’est comme ça que nous apprenons qu’il y a une meute avec des louveteaux dans les parages. Quand un mâle, agit de la sorte, c’est que c’est le mâle alpha qui apporte à manger à sa femelle et aux petits. Chouette ! Que c’est mignon, des bébés loups ! (là, c’est ma fille qui parle). Il y a donc de grandes chances que les louveteaux s’entraînent à la chasse d’ici quelques mois. Nous espérons donc que la meute ne soit pas si près et que ce sont les chaleurs d’une de nos chiennes qui l’ont attiré vers chez nous.

Je suis une prédatrice…

Notre patoune qui sourit…

Ce monsieur est le premier à nous dire de faire attention pour nos deux enfants. En effet, le loup craint notre verticalité. Les enfants n’ont pas de verticalité par rapport à la taille du loup. De plus, avant, les bergers ne montaient pas en alpage avec leurs enfants. C’est donc quelque chose de nouveau pour le loup. Et il faut donc se méfier.

Nous avons beau faire déjà attention, mon sang ne fait qu’un tour. Branle-bas de combat, nous délimitons un périmètre, déplaçons la cabane (en rondins) et organisons une discussion avec les enfants. Certes, nous leur avons peut-être fait peur, mais ce n’est rien à comparer à ce que j’ai pu imaginer en deux secondes. Je pense que ça aurait été la guerre que j’aurais eue le même discours ! C’est comme si c’était la guerre à l’intérieur de mon coeur, de mon corps. Il peut s’en prendre à MES enfants ? Qu’on le tue ! Qu’on les tue tous !

Vous aurez bien compris que ce n’est pas réellement ce que je veux, mais juste ce que je ressens, en tout cas sur l’instant ! Une maman ne peut pas imaginer une telle chose sans se voir pleine de sang en train de tuer à mains nues la bête qui aurait voulu s’en prendre à la chair de sa chair ! Je suis sûre que vous me comprenez…

Retour à la réalité

Quelques jours ont passé, le loup se fait moins présent, tout le monde redescend d’un cran. Nous nous réapproprions l’espace, nous nous détendons. Le périmètre reste le même, mais nous retrouvons notre sérénité. Nous pouvons nous adapter, cohabiter, comme ils le font déjà depuis bien longtemps en Italie ou ailleurs. Si nous prenons nos précautions, il n’y a pas de raisons. Nous apprenons chaque jour et à être parents et à être bergers, à vivre tout simplement avec nos enfants. La nature est notre univers, ne l’oublions pas !

Et puis, il existe des histoires de louves qui nourrissent des nourrissons abandonnés. Il y a aussi ce documentaire, « La vallée des loups » de Jean Michel Bertrand, qui a dormi à côté d’eux et a mis des mois à le voir… Entre mythe et réalité… restons concentrés…

Bref, qui nous rend visite cette saison ?

Ce témoignage n’a pas trop de rapport avec l’instruction en famille, quoi que ? En tout cas c’est notre quotidien de famille bergers-unschoolers. Promis, dans le prochain article, je vous parle des enfants en alpage et de ce qu’ils peuvent bien faire ! Qu’en pensez-vous ?

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8 commentaires

  • Laurence

    Bonjour !!
    Merci pour cet article, c’est une vraie histoire à faire peur !!! Par contre, je croyais que le loup chassait en meute ? Est-ce un mythe ? ou alors ils se sont adaptés ? ou alors il y a un truc que je ne connais pas ? Merci d’avance (si vous avez le temps !)

    • Marion Billon

      Lorsque la femelle fait les petits le mâle peut aller chasser seul. La meute peut être composée au départ que d’un couple. Et il y a également l’adaptation. En même temps je ne suis pas une spécialiste du loup…

      • Céline

        Comme je me met à votre place dés histoire de loup ça fait tjrs peur…
        Cela m’a fait repenser à une anecdote qu’un personnel de ferme pédagogique nous avait raconter… il y avait un renard qui venait la nuit chasser les cochons d’Inde…. pour que le renard arrête chaque jours à une certaine heure il lui déposait un morceau de viande et le renard ne vient plus jamais l ennuyer mais Il attend son morceaux ! Bon je suppose que vous ne voulez pas forcément apprivoiser ces loups car ils sont bien comme ils sont mais si cela peut aider à avoir une cohabitation arminieuse!

    • Alex

      Coucou! Effectivement le mâle alpha peut aller chasser seul pour nourrir la femelle alpha et ces petits. Et il existe aussi des loups solitaire, ils ne font partie d’aucune meute et chassent donc tout seul.

  • trocherie

    Coucou…Alors pour ma part je ne cédrat pas à la panique mais moi j’ai des toujours des appréhensions quand les animaux ( chiens ou autre) sont à hauteur d ‘enfants.un animal reste un animal avec ses instincts et comportements.Alors pour le loup certes il ne s’attaque pas à l’homme mais je serais vigilante par rapport aux enfants sans tomber dans la paranoïa.

    En tous cas encore une fois MERCI de nous faire partager tes moments de vie ief et autre.cela me ressource toujours autant.bel été à toi.marie

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